Poissons volants.

On croyait autrefois que les poissons vivaient dans la mer. Il y en eut beaucoup, et de toutes sortes, avant que la mondialisation aveugle toujours plus performante n’ait épuisé bancs de morues, mattes de thons et hordes de harengs. Alors Daniel Le Saux se leva et dit :
“ – Les poissons ont déserté la mer. Ils nagent désormais dans le bleu du ciel. Je vais le prouver. ”
Il a mené son enquête, dessiné sur le vif, et ses images sont probantes. Il faut rappeler que Daniel est d’abord un scientifique bardé d’écologie et d’halieutique. Son appel a aisément convaincu quelques marins en pénurie de quotas. Si leurs outils restent la canne à pêche, la palangre et la poche de chalut, quelques-uns s’en sont affranchis et ont recours à la prière et à l’incantation. Certains, les plus habiles, arrivent même à chevaucher les grosses pièces. Ils mènent gaiement la troupe de harengs vers la criée où ils se laisseront choir tout droit dans les caisses de marée.
Mais chacun sait que nul n’est prophète en son pays. C’est dans un autre monde que ces pêcheurs de lune affûtent les cannes à pêche de demain. Peut-être sur une autre planète, parmi celles que regardent si intensément ces marins poètes ?

Texte rédigé par Charles Madézo.